Friday, April 22, 2016

 

Cafe de Flore "pudeur" الأدب اصبح الإستحاء - l

مثير للاحتمام:


13 avril 2016 ! CHARLIE HEBDO 1238 p.11

ATTENTAT PAR LA PUDEUR
ِ ِhِ! La pudeur ... Ce merveilleux attribut féminin. Le troisième sein des femmes, en quelque sorte. Il naît dans les choux, comme les enfants, ou dans les coquillages comme la Vénus de Botticelli. C'est Monsieur qui cultive les uns et ramasse les autres. j'ouvre y Encyclopédie, ce recueil du XVIII' siècle, et lis l'article consacré à un terme que certains couturiers et amis politiques des femmes à voile - à moins qu'ils ne le soient plu¬tôt de leurs maris à longue barbe, ces damnés de la coiffe) - semblent vouloir remettre sur le tapis à prières. Il a été rédigé par Louis de Jaucourt, l'un des tâcherons du grand dictionnaire.
Voici le début: "C'est IHle honte naturelle, sage et honnête. une ,-rainte secrète. !UN CHAMP DE CACTUS ET DE SUSCEPTIBILITÉS
Mais, au fait, pourquoi la femme devrait-elle seule porter cette charge et cette mission? Ladjec¬tif «naturel» le dit : à cause de la nature, voyons! La femme porte la pudeur comme elle porte les gosses, c'est dans l'ordre des choses: «L'idée de la pudeur n'est point une chimère, un préjugé populaire, une tromperie des lois et de l'éducation. Tous les peuples se sont également accordés à attacher du mépris à l'incontinence des femmes; c'est que la nature a parlé à toutes les nations.» Ce texte est vieux, dépassé bien sûr. Depuis lors, bien des philosophes et his¬toriens ont réfléchi et perturbé l'idée de pudeur. Dépassé, vraiment? Le sens de l'Histoire, comme on sait, n'est pas linéaire. Il agit en spirale et agglo¬mère aux vieilles lunes de nouvelles, qui ne le sont déjà plus au moment où elles paraissent éclipser les précédentes.
Aucun intellectuel ou ami occidental du voile pour femmes des peuples opprimés n'ose¬rait aujourd'hui défendre celui-ci au nom de la «pudeur féminine» : ils auraient trop peur de pas¬ser pour ce qu'il leur arrive d'être, de petits pères la vertu. Ils voilent le concept, si j'ose dire, avec les
mots de complexité, de respect, de misère sociale, de libre choix, de révolte. On les connaît depuis longtemps, depuis toujours: ce sont les ennemis de l'humanisme, cet ectoplasme bourgeois. Ceux à qui on ne la fait pas. Ennemis de l'humanisme, ils le sont toujours pour les meilleures raisons du monde - d'un monde meilleur, généralement, où les classes et les races seront abolies. Mais ils le sont. Les uns sont pervers et manipulateurs, les autres, naïfs et saturés de bons sentiments. Ils semblent ne pas croire aux valeurs qui leur per¬mettent de vivre et de s'exprimer.
j'ai trop voyagé en Amérique et en Orient pour être gêné par les femmes à voile. j'ai même lu, à une époque, le texte de l'orientaliste Louis Massignon qui explique la beauté conceptuelle, les ambiguïtés et les subtilités de ce bout de tissu. j'ai une grande amie, américaine palestinienne, dont la sœur est une journaliste militante particulièrement efficace sur une chaîne indépendante du Minnesota. Elle et ses collègues dénoncent avec succès les excès de pouvoir. Elle est leur figure de proue. Elle est cou¬verte. Cela ne gêne personne, cela ne me gêne pas. Mais porter le foulard n'est pas porter le voile, et porter l'un ou l'autre dans un pays comme les États¬Unis, où l'on n'est pas sommé de justifier politique¬ment son mode de vie, n'a pas le même sens que le porter ici. Les femmes à voile hexagonales sont, de ce point de vue, beaucoup plus françaises qu'elles ne croient: elles politisent tout ce qu'elles portent; et, si elles ne le font pas, d'autres le font pour elles.
Mais la tolérance s'applique d'abord aux phéno¬mènes qu'on aime peu ou qu'on n'a pas envie d'ex¬périmenter. Je n'aime pas le voile, dont les signifi¬cations sont pour moi très claires, mais je l'accepte sans problème jusqu'au coin de ma rue. Je ne crois jamais avoir regardé de travers, ou même différem¬ment, une femme qui le porte: croiser son regard me suffit. j'accepte le port du voile, mais je ne veux pas qu'on me prêche qu'il est un signe de progrès, de jeunesse, d'autonomie ou de liberté. Parlerai¬je d'aliénation, comme au bon vieux temps du marxisme? Je le ferais volontiers, mais cela aussi est devenu difficile: employer ce terme ferait de moi un bonhomme en surplomb, qui ne se croit pas aliéné et distribue ses jugements depuis le haut de son arbre. La démocratie française en est arrivée à ce point de colère, d'individuation et d'inculture où désigner. la servitude des autres ne peut plus être perçu que comme une manière de s'en exo¬nérer. Nous vivons dans un champ de cactus et de susceptibilités.
Concluons avec le brave Jaucourt. Dans la fin de son article, il mettait un peu de vin - un peu, seulement - dans son eau bénite: «Il est heureux de vivre dans nos régions tempérées, où le sexe qui a le plus d'agrément embellit la société, et où les femmes pudiques se réservant aux plaisirs d'un seul, servent encore à l'amusement de tous.» Vieux macho, va. -
A


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